Cringe-watching : l'incroyable attrait de la gêne

...et autres bizarreries post-modernes

La Newsletter du Chaos Club
5 min ⋅ 21/05/2023

Hey 👋

Bienvenue à celles et ceux qui ont rejoint l’aventure Palabre !

Chaque mois, je vous partage les nouveautés tech (mais pas que !) les plus étonnantes afin que vous puissiez palabrer avec aisance et style lors de vos dîners arrosés.

Vous y trouverez notamment des chiffres à glisser subtilement en réunion afin de faire la démonstration de la profondeur de votre capital intellectuel (“le chiffre de la semaine”), des mots nouveaux à faire pâlir d’envie les cruciverbistes (“la veille de maître capello”), et un horoscope déjanté tenu par une intelligence artificielle qui vous révèle les dernières inno à suivre (“l’horoscope de John Tales”). 

Le tout dans la joie et la bonne humeur, évidemment. On y va ? Et c’est parti.

Le chiffre de la semaine

10.35%

C’est la part de marché qu’occupent les films d’horreur au box office en 2023, avec pas moins de 40 sorties prévues d’ici la fin de l’année. La faute à notre époque flippante ? Vous ne croyez pas si bien dire. Si l’on considère la courbe ci-dessous, on remarque que si le nombre d’entrées au cinéma dégringole depuis la pandémie, la part de marché des films d'épouvante, elle, s'accroît considérablement. Hasard ? Je ne pense pas. 

Evolution de la part de marché des films d'horreur au box officeEvolution de la part de marché des films d'horreur au box office

Quand l’inconfort à l’écran nous prépare à l’inconfort de la vie

Dans son essai “Uncomfortable television”, Hunter Hargraves étudie la manière dont les audiences peuvent ressentir du plaisir à être plongées dans l’inconfort. Pour lui, cet inconfort serait une bonne façon de nous préparer, de manière consciente ou pas, à accepter la précarité et la perversité de notre capitalisme en crise."

“In viscerally violent dramas, cringeworthy ironic comedies, and trashy reality programs alike, televisual unease trains audiences to survive under late capitalism, which demands that individuals accept a certain amount of discomfort, dread, and irritation into their everyday lives.”

Le frisson de la peur pour de faux

Dans son ouvrage “Science-fiction et société”, Alexandre Hougron développe un argument complémentaire en traitant de la SF apocalyptique, qui

“offre le délicieux plaisir de nous montrer une fin à laquelle nous échappons, un malheur mais qui arrive à d'autres, bien après nous, quand de toute façon nous ne serons plus là. C'est une peur agréable, c'est-à-dire une peur éloignée.”

Enfin… pas si éloignée que ça, puisqu’un américain sur trois pense qu’il aura à vivre un épisode apocalyptique au cours de sa vie (l’attaque de zombie et l’invasion alien arrivant toutefois en dernière position des causes probables).

Le retour du refoulé ?

Mais au-delà de la dimension jouissive du frisson, la SF apocalyptique, et avec elle l’horreur, pourrait bien incarner un retour du “ça” dans une société trop bien huilée :

“Plus on poursuivra donc dans cette quête de l'efficacité, de la perfection, de la rationalité, celle des machines (...) plus (...) on évacuera le rêve et l'évasion du quotidien, et plus alors on induira des stratégies d'évasion radicales, fascinantes (...).”

Voici quelques articles si vous souhaitez creuser la dimension cathartique de notre cher tube cathodique : 

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Par Bénédicte Ibert

👋 Hello ! Actuellement en poste de planning stratégique chez Google, je vous partage, à mes heures perdues, mes élucubrations techno-philosophiques (qui n'engagent que moi, bien entendu).